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LA CITÉ SATURNE: MORCEAU D’UNIVERS ENTRE CIEL ET TERRE

La Cité Saturne est un manga en sept volumes de l’auteure Hisae Iwaoka, prépublié dans le Gekkan Ikki de 2006 à 2011.
C’est Kana qui s’est chargé de l’édition du titre chez nous, de 2009 à 2012.

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La Terre est devenue une zone protégée, interdite d’accès. Pour que les hommes continuent d’habiter à proximité, une cité formant un anneau autour de la planète a été construite. Mitsu est le fils d’un laveur de carreau qui a disparu lorsqu’il nettoyait les vitres extérieures de l’anneau. À peine sorti du collège, le jeune garçon décide de reprendre le travail de son père. Arrivera-t-il à résoudre le mystère qui entoure sa disparition ?

La Cité Saturne est un de ces mangas qui s’attardent sur les petites choses du quotidien, à ceci près qu’ici, le cadre sort de l’ordinaire, puisque le récit s’inscrit dans un univers de science-fiction.

L’anneau saturnal est divisé en trois strates. Au niveau inférieur vivent les travailleurs de petite vie, au niveau supérieur, les bourgeois; avec entre les deux un niveau intermédiaire qui sert de lieu de rencontre, et où s’installent les infrastructures publiques.
Mitsu, tout comme tous ses collègues nettoyeurs de vitres, habite le niveau inférieur. Les habitants n’ayant pas les moyens de s’offrir un lavage de vitres régulier (coûteux car dangereux et chronophage) ne profitent pas de la lumière solaire ainsi que de la vue extérieure, et vivent sous lumière artificielle.

Le titre prend donc certains sujets de société pour toile de fond, comme par exemple la lutte des classes, que je viens de mentionner, et qui gagnera en importance au fil du récit.
D’autres questions seront par instants soulevées, comme le rapport à la technologie, la construction d’une société humaine (ici symbolisée en trois dimensions)… bref, moult invitations à réfléchir sur notre monde!

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La Cité Saturne est un manga au rythme lent et à l’action limitée (excepté peut-être dans les derniers chapitres). L’auteure prend le temps de développer ses personnages (notamment les nettoyeurs de vitres et leur entourage), à commencer par Mitsu, autour duquel s’axe véritablement le récit, et que l’on suivra dans son rêve fou de « rejoindre » son père sur Terre. Chacun se révèle touchant et humain, et à mesure que le récit avance, on se surprend à s’attacher à ces braves gens, à rire avec eux, à partager leurs peines et leurs objectifs. C’est d’ailleurs ce qui a été le plus difficile pour moi arrivé à la conclusion de l’ultime volume: dire au revoir à des personnages que j’avais côtoyé pendant si longtemps… Parce que La Cité Saturne, ce n’est pas non plus la série que l’on s’enfile en deux jours… personnellement, il m’aura fallut environ six mois pour en venir à bout! La raison? Comme je l’ai dit plus haut, je crois que c’est un manga qui nécessite de beaucoup s’attarder sur ce qui est montré, dit: c’est un manga qui se ressent, et qui prend son temps.

Cependant, on ne peut pas dire que le manga soit à portée résolument contemplative, et si l’œuvre, hormis peut-être sur ses derniers instants, ne développe pas de d’intrigue à suspense spécialement captivante, on est en doit de questionner son interêt, sa pertinence.

Je répondrai alors que la grande force du titre réside en sa capacité à se concentrer sur le quotidien. Mais là où beaucoup d’autres œuvres dites tranche-de-vie l’agrémenteront d’humour (Barakamon, Yotsuba&, Silver Spoon…) et/ou de drame (Bonne Nuit Punpun, Larme Ultime…), La Cité Saturne reste d’une sobriété d’abord déconcertante. En ce sens, je conçois parfaitement que le titre en ennuie certains. Mais progressivement, on comprend que c’est justement cette banalité du quotidien, sans artifice ou romantisme exacerbé, qui nous fait nous sentir si proche des différents protagonistes, qui nous paraissent finalement bien réels car confrontés à une vie proche de la notre.

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L’atmosphère poétique du titre permet de rentrer facilement dans ce quotidien qui d’abord peut sembler un brin répétitif. Par l’intermédiaire de son travail, Mitsu aura l’occasion de rencontrer de nombreux habitants du niveau supérieur, voire de se lier d’amitié avec certains.

Là où pour beaucoup ça pêche, c’est au niveau du dessin. Je peux comprendre que cela perturbe quand on est formaté à l’académisme des gros titres, mais je trouve personnellement que c’est une, sinon la réelle force de ce titre.
Le trait de Hisae Iwaoka regorge de curiosités, à commencer par ses personnages. Leur aspect rondouillard, frôlant souvent la caricature (notamment dans les quelques scènes de comédie qui parsèment le titre) met en avant leurs émotions de manière pourtant subtile par le biais de traits minimalistes. Tout est plus suggéré, ressenti, que montré.
Alliant tramages discrets et crayonnés, les décors urbains se fondent parfaitement dans l’atmosphère douce du titre, bien que tranchants de réalisme avec le design des personnages (on note toutefois que les traits sont souvent tracés à la main, ce qui adoucit ce contraste). Le découpage ne brille pas d’excentricité, et reste à l’image du titre, le plus souvent très posé.
Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, les scènes en extérieur se veulent rarement spectaculaires, et les double-pages se font plutôt rares. Ici, tout est montré au travers du prisme du quotidien. Rien de surréaliste lors des sorties sur l’anneau, puisque l’on regarde justement ce qui compose le tous-les-jours des nettoyeurs. En ce sens, la mise en scène (tout comme la narration) se veut très proche des protagonistes, peut-être d’avantage encore que du lecteur.

La tension, plus présente dans les derniers volumes, se ressent par un découpage plus vif, et souvent vertical, ainsi qu’un tramage beaucoup plus intense et une utilisation fréquente des lignes de vitesse. L’auteure sait varier son style, dont on ne se lasse à aucun moment!

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Un mot sur le travail fourni par Kana, dans les standards (de l’époque) de l’éditeur. Le papier est épais et opaque, les noirs profonds. La traduction signée Pascale Simon est globalement plutôt fluide, malgré quelques dialogues qui sonnent un peu faux à mon sens…
Les couvertures (sublimes, n’est-ce pas?) s’offrent une texture un peu cartonnée. À noter qu’à ce jour, en dépit de son succès commercial plus que modéré, la série est encore trouvable dans son intégralité. Sur ce point, je remercie Kana pour sa fiabilité, que l’on  remettra rarement en doute!

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Alliant poésie et humanisme, et porté par des personnages nuancés mais entiers évoluant dans un cadre de science-fiction insolite, La Cité Saturne se présente comme un indispensable, et brille en tout instant de la volonté palpable de son auteure de livrer à son lecteur une histoire douce et sincère, qui se lit et se relit avec plaisir! Une expérience unique!


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