DÉCOUVERTE MANGA #19 – LE 3E GÉDÉON

La Révolution française semble beaucoup inspirer les auteurs japonais. Après Shinichi Sakamoto, Fuyumi Soryô, et surement d’autres que j’oublie, c’est au tour de Tarô Nogizaka (Team Medical Dragon, La Tour Fantôme) de romancer cette période historique marquante avec son 3e Gédéon, dont le premier volume est paru en mars dernier. Originellement, je devais vous en parler à cette époque, mais celui-ci m’avait à vrai dire beaucoup désorienté et, encore aujourd’hui, je ne saurai pas dire si c’est un volume qui m’a déçu, ou qui était juste éloigné de mes attentes (une question qui trouvera sa réponse lors d’une possible relecture).

Quoi qu’il en soit, il aura fallu peu de temps au second opus pour me faire aimer cette série; peu de temps au troisième pour me faire l’adorer. Et quand j’aime bien un manga, bah j’en parle, même si c’est un peu tard… J’espère que cela vous plaira quand même!

P.S: À l’origine, ce billet était exclusivement consacré au troisième volume de la série, mais tout compte fait, j’ai préféré dédier un article plus complet à cette dernière, car j’avais beaucoup à dire dessus! Aussi, certains passages concernent d’avantage les volumes 2 et 3, et bien que tout à fait compréhensibles et ne gâchant en rien la lecture (pas de spoil, comme toujours), j’y mentionnerai des personnages qui apparaissent plutôt tardivement dans la série. Je m’en excuse, et espère que les personnes qui ne la lisent pas  s’y retrouveront néanmoins!

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Fiche Technique

Auteur: Tarô Nogizaka

Type: Seinen

Genre: Historique-Drame

Éditeur VF: Glénat

Nombre de tomes parus: 3 (6 en cours au Japon)

Prix: 7,60€

À la veille de la Révolution, Gédéon rêve de représenter le Tiers-État aux états généraux pour sauver la France de la misère. Georges, duc de Loire, n’aspire quant à lui qu’à détruire l’ordre établi. Quel avenir la rencontre de ces deux hommes apportera-t-elle à la France ?

Un reproche que j’avais pu faire au premier tome, c’était ses ficelles bien trop visibles, son hasard qui faisait un peu trop bien les choses (genre tel personnage arrive pile quand il ne faut pas… dans un manga qui se veut aussi réaliste, ça ne passe pas), et ses personnages peu percutants et difficiles à cerner (dans le mauvais sens du terme).
Et bien tout cela et non seulement corrigé par la suite, mais aussi… visiblement voulu par l’auteur (j’adore quand un mangaka fait ça). Ce que l’on avait pu prendre pour du hasard envahissant ou des codes usés jusqu’à la moelle se révèle en fait être de la manipulation pure, et les personnages, finalement superbement écrits tant dans leur psyché que dans leur relations, se clarifient énormément.
(Pour toutes ces raisons, je pense que le premier volume s’apprécie peut-être mieux à la relecture, et si celui-ci vous a rebuté à continuer la série, je vous conjure de lui laisser une chance).

Mais l’interêt se forme à mesure que l’on en apprend plus, notamment dans le second tome, sur la relation Georges/Gédéon qui gagne bien vite en consistance et amène énormément en tension; si bien que, à l’image du couple Taichi/Tetsuo dans La Tour fantôme, le tandem devient une, sinon la principale force du manga! Deux manières de voir et de penser le monde qui s’affrontent dans une même optique: transformer la société en profondeur. C’est ce qui rend si grandiose cette superbe rivalité!

Au fil du récit, le lecteur sera amené à croiser de nombreuses figures historiques, notamment Robespierre, Louis XVI (pas le plus mauvais des rois, en vérité…), mais surtout, surtout Marie-Antoinette. Et là, quel que soit le manga (Innocent, La Jeunesse d’une reine…) je la trouve splendide. Ici, c’est encore une nouvelle facette du personnage qui est exploré, celle d’une mère, prête à tout pour protéger ses enfants. On nous la dépeint dans ses forces (un passage incroyable du tome 3 où elle tient tête à Georges… avant de se retrouver malmenée, mais bon, c’est l’intention qui compte), mais aussi ses faiblesses (ici sa déconnection des enjeux sociaux de l’époque). Un personnage complexe, à l’image des autres protagonistes du récit, tous subliment écrits et mis-en-scène.

Ce que j’aime aussi avec les mangas qui parlent de la Révolution française, c’est découvrir la manière dont un auteur étranger peut appréhender cette section d’Histoire, sans doute peu étudiée au Japon, et la rendre compréhensible à des lecteurs qui, surement, ne s’y intéressent pas de prime abord et n’y connaissent pas grand chose. Ici, certains passages sont historiquement ultra-référencés, je n’imagine même pas le nombre d’annotations en bas de certaines pages dans la version japonaise!
Notons aussi que contrairement à Innocent et Marie-Antoinette – La Jeunesse d’une reine qui tous deux se focalisent sur des éléments historiques et très spécifiques (la lignée Sanson pour l’un, le parcours d’un reine pour l’autre), Le 3e Gédéon jette un regard plus global sur la société de l’époque, puisque s’échangent les points de vue du tiers-état et de la noblesse.

Graphiquement, c’est somptueux. Celles et ceux qui ont pu lire une des précédentes œuvre de l’auteur le savent, il est doué d’un sens du détail tout bonnement remarquable! Son trait sied parfaitement à l’ambiance du titre, et fini de nous absorber totalement dans ce récit passionnant grâce à une mise en scène dynamique et/ou contemplative. Certaines architectures sont à tomber, et les différents personnages transpirent la classe et l’élégance. Nul doute qu’avec un trait plus minimaliste, Le 3e Gédéon n’aurait pas eu le même impact sur moi.

Un mot sur l’édition de Glénat, dans les standards de l’éditeur. Encrage et traduction soignés, et livres de globalement bonne qualité en dépit d’un papier trop fin à mon goût.

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En conclusion, si ses débuts peuvent paraitre (tout compte fait à tort) laborieux, Le 3e Gédéon s’impose bien vite comme un titre historique puissant et captivant! Chaque volume se lit d’une traite tant la narration est fluide et le récit prenant. Ajoutez à cela des personnages fascinants et un graphisme époustouflant, et obtenez, peut-être, un des meilleurs titres de l’année 2017.

P.S: Je remercie l’aggrégateur Nanami d’avoir accepté de diffuser mes articles!